KAREN BARISELLE

Psychologue clinicienne, psychothérapeute et spécialisée en neuropsychologie

Non conventionné

Clamart (92140)

Chers patients,

 

     Pour une séance, il faut du temps. Chacun sa manière de travailler, mais il est fréquent qu’une séance de psychothérapie dure 45 minutes. Parfois plus, comme dans le cas des thérapies de groupe (famille, couple) et de certaines thérapies comportementales.

 

   Pour une thérapie, il faut du temps. Les thérapies courtes, cela existe, et elles peuvent même être fécondes. Mais pour que les défenses commencent à s’assouplir, pour que tout ce qui est douloureux et complexe puisse se dire, pour que l’élaboration puisse advenir, le patient a souvent besoin de beaucoup plus que 20 séances.

     

     Pour un.e psychologue, il faut du temps. Et aussi entre ses patients. Du temps pour prendre des notes, du temps pour réfléchir, du temps pour lire, pour apprendre, du temps pour se poser et prendre des réserves d’énergie avant d’aller à la rencontre d’un nouveau patient.

   

     C’est parce qu’il méprise la question du temps que le dispositif de remboursement des séances annoncé hier par Emmanuel Macron est un cadeau mal ficelé pour les patients et empoisonné pour tout le monde.             

     Un.e psychologue qui accepterait de rentrer dans ce dispositif, lequel rembourse jusqu’à 20 séances de 30 minutes, en serait réduit à aligner les patients à la chaîne pour avoir des revenus a peine décents.

Travailler plus (et plus mal) pour gagner moins, la Start Up Nation a encore frappé. Sans avoir pris le temps de nous écouter. Sans avoir daigné nous rencontrer. Sans avoir chercher à analyser nos difficultés. La prise en charge de la souffrance psychique, c’est peut-être une éthique autant qu’un métier.

 

 

     En tant que professionnelle des sciences humaines et sociales, j’ai choisi de rejoindre le Manifeste des psychologues cliniciens et des psychologues psychothérapeutes, qui est un rassemblement spontané de professionnels, aux orientations et pratiques variées, favorables au remboursement des consultations, afin de favoriser l’accès aux prises en charge des souffrances psychiques. Seulement, nous ne sommes pas prêts à maltraiter les patients et à les leurrer.


     Mon métier s’appuie sur le respect de la Loi et du Code de déontologie des psychologues, dont le principe fondateur de ce dernier stipule que « le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues ».


     Lorsque je découvre, comme mes collègues et les instances représentatives de la profession, dans la presse, à la télévision et aux journal officiel :

  • Le rapport IGAS du 16/02/2021 sur le remboursement de la CPAM pour les adultes atteints de troubles anxieux-dépressifs légers à modérés, sur prescription du médecin généraliste et du psychiatre, des séances restreintes à 30 minutes, pour 22€, limitées en nombre et la rédaction de compte rendu pour les médecins et la CPAM.
  • Le chèque psy étudiant de 2x3 séances, à 30€ sans dépassement d’honoraires, aide covid.
  • Le forfait psy enfant « 100% remboursé » au tarif inventé par l’Etat de 25€, sans dépassement d’honoraires, de 10 séances de 30 minutes, aide Covid.
  • La proposition de loi visant la création d’un ordre des psychologues par 23 députés LR et 3 psychologues (sur 74 000), sans concertation.
  • L’arrêté du 10/03/2021 relatifs aux plateformes des Troubles Neuro Développementaux qui impose au psychologue libéral de se référer obligatoirement et uniquement aux thérapies cognitivo-comportementales, de faire de la remédiation et de la psychoéducation, excluant les autres.

 

     Je m’inquiète, réellement, car ces décisions arbitraires vont impacter directement les humains au coeur des pratiques, c’est-à-dire vous les patients et nous les professionnels. Comment peut-on imaginer réduire l’humain à être un OBJET du (prendre) soin ? Comment travailler ainsi ?

 

     Tout métier a ses propres particularités, le notre implique de savoir prendre le temps et d’être qualitativement présent. Peut-on parler des risques d’effondrement psychique, d’aggravation des troubles, de risques suicidaires, etc. si celui qui est là pour prendre soin a l’oeil sur sa montre au lieu de le porter sur son patient ? Pourquoi limiter le temps de séance et interdire le dépassement d’honoraires ? Quand prendre soin devient maltraitant dans la forme, qu’advient-il du fond ?

 

     Je milite en faveur de la dignité humaine pour obtenir des conditions décentes, respectueuses et viables pour les patients et les professionnels, pas pour obtenir plus ou moins que d’autres. Nous avons le même intérêt en défendant la qualité des psychothérapies remboursées.


    En l’état actuel des conditions dictées pour le projet de remboursement, il m’est déontologiquement et humainement impossible de cautionner et participer à un tel dispositif.